TÉMOIGNAGE ANONYME #ViolencesObstétricales
Date des faits : 18 octobre 2019 – Centre Hospitalier de Niort
J’ai eu deux grossesses. La première à 17 ans, j’ai eu un garçon qui va fêter ses vingt ans, et la deuxième il y a bientôt deux mois. Je n’ai pas voulu la poursuivre et ai choisi de faire une IVG médicamenteuse. Cette intervention était un choix délibéré. Avec mon compagnon, nous nous attendions à une épreuve difficile, mais il était impensable de donner la vie à un enfant dans ce monde qui marche sur la tête (ce qui va suivre nous donnera raison), nous étions bouleversés, car nous nous aimons, mais confiants et forts de notre décision commune.
Nous nous sentions acteurs de cette douloureuse démarche.
Il s’avère qu’a défaut d’être actrice, j’ai subi cette IVG .
J’ai donc été hospitalisé pour la journée, une journée marquée sous le sceau de la douleur physique et morale. Cela a été une bien triste et douloureuse expérience, mais avec de la patience et l’amour attentionné de mon chéri, je me suis dit alors que je m’en remettrais.
Les jours passent (dix exactement) j’ai toujours mal et ai toujours des saignements (mais le médecin m’a dit que c’était normal) jusqu’à ce qu’arrive le jour de la visite de contrôle.
Là, on me dit que « tout » n’est pas parti, qu’il reste encore « quelque chose »…. Que ce n’était pas grave que « ça » allait partir petit à petit….
Quelques jours plus tard, les douleurs sont toujours présentes, je fais une hémorragie. Ne pas paniquer !
Je me rends aux urgences gynécologiques, épuisée et désemparée. Un interne me reçoit. Il est très jeune, il a les cheveux longs, on dirait un copain de mon fils, cela est très gênant. Il me pose tout un tas de questions et me dit de passer dans la pièce d’examen contingente à son bureau. Il me dit de me déshabiller. Il va m’ausculter.
Je me déshabille donc, devant lui, m’installe sur la table et il commence l’examen. Il ne me parle pas, il ne prend pas la peine de me prévenir lorsqu’il introduit le spéculum dans mon vagin, pas plus d’ailleurs quand il introduit la sonde pour l’échographie. D’un air docte, il pose son diagnostic ! C’est bien une hémorragie !
Il continu en m’annonçant qu’il va falloir faire un curetage et enchaîne en me demandant si cela me gène de rester dans cette position sur la table en attendant qu’il aille chercher le médecin-chef pour qu’il donne son aval. Tout est allé vite je suis sidérée les jambes écartées du sang dégouline de mon vagin, les mots ne sortent pas, ils ne peuvent pas sortir !
Il est sorti de la salle d’examen il a téléphoné puis il est sorti du bureau, je suis restée seule, puis il est rentré de nouveau et a laissé la porte qui donne sur le couloir grande ouverte, me laissant à la merci de n’importe quel regard, de quiconque serait passé dans ce maudit couloir, nue les jambes écartées !!! Il ressort et cette fois ferme la porte, je suis toujours sur la table. Les minutes passent, je ne pourrais dire combien. Je suis humiliée, effondrée… Il revient et rentre dans son bureau en laissant bien évidemment la porte de nouveau ouverte, j’ai envie de hurler putain ! La porte ! Mais je ne suis plus personne, je ne compte pas d’ailleurs depuis son somptueux diagnostic, il ne m’a plus adressé la parole ! Il repart je ne sais où en refermant la porte. J’avais tellement peur qu’il ne la ferme pas…
Lorsqu’il revient, c’est pour me dire qu’on va m’emmener dans une chambre. Je me lève donc de la table avec difficulté, il ne m’aide pas ni ne me donne de quoi m’essuyer. Je suis contrainte de serrer les fesses pour ne pas en mettre partout (comme une petite fille qui a fait une grosse bêtise et qui doit subir sans rien dire) je me sens de nouveau humiliée… Je suis devant la chaise ou reposent mes habits souillés, j’essaie tant bien que mal de désentortiller ma culotte de la serviette pour la mettre lorsqu’une femme apparaît dans l’encadrement de cette bon dieu de porte ! Elle me toise, le regard méprisant, son visage est dur et fermé. Elle ne se présente pas, pas plus qu’elle ne me dit bonjour. Elle regarde la table d’examen où se trouve la cuvette pleine de sang et de caillots puis jette de nouveau son regard méprisant sur moi et dit à l’interne d’un ton glacial « ben elle peut pas y ‘aller comme ça faut lui donner autre chose, elle n’a qu’une petite serviette et un string ! » Je ne sais pas pourquoi elle dit ça, ce n’est pas un string, comment aurais-je été assez stupide pour mettre un string en pleine hémorragie, je suis choquée ! Tant de mépris et de ressentiment ! Quand est-ce que cela va s’arrêter ! L’interne a perdu de sa superbe, il fouille fébrilement dans les placards et ne trouve rien, alors résignée, je me rhabille, la marâtre est déjà repartie.
L’interne m’emmène en chaise roulante dans une autre pièce. Ce n’est pas une chambre comme annoncée, mais une nouvelle salle d’examen !!??!!
Il y a une autre interne et cette femme qui en fait est le médecin-chef et qui ne m’a toujours pas adressé la parole. On m’annonce qu’on va de nouveau m’examiner, le calvaire continue, et comble de l’ironie elle demande d’un ton péremptoire d’aller chercher la machine à échographie dans la salle d’où je viens de sortir ???!!! J’ai l’impression de vivre un mauvais rêve.
La seule fois où elle me parlera, c’est pour me bredouiller un excusez moi après m’avoir brusquement écarté les jambes ! Elle introduit le spéculum naturellement sans me prévenir, je peux entrevoir qu’elle m’éponge avec des compresses, elle ne m’explique pas ce qu’elle fait ! Je suis dépossédé de mon corps.
Elle me fait mal, c’est très désagréable une douleur vive et cinglante, elle dit à l’interne « ben, tu vois là, c’est là ! Au col, c’est ça là sur le col ». Je ne sais pas de quoi elle parle, je suis pétrifiée, je ne suis plus qu’un objet entre leurs mains…. Déshumanisée.
Elle demande une pince l’introduit dans mon intimité toujours sans prévenir ni rien expliquer et me fait de nouveau très mal.
Puis elle passe à une nouvelle échographie réintroduit l’appareil sans rien dire…. Elle ne me parle pas elle s’adresse à l’interne pour lui dire que normalement « tout » est parti et qu’il faut attendre les résultats de l’examen sanguin pour savoir s’il faudra faire un curetage ou pas… Sur ce, elle sort de la pièce sans un mot suivi comme son ombre par l’interne. Je reste ébranlée, violentée, dans un brouillard irréel… A côté de moi l’interne femme, qui elle est restée, me sort de ma torpeur en me posant la main sur l’épaule « c’est suite à une IVG ? » Je lui réponds oui comme un automate… Elle m’aide à passer une chemise de fracture, ses gestes sont doux et attentionnés, elle est bienveillante…
Je resterais jusqu’au lendemain sans manger, sans boire (plus de 24 h en tout) je suis épuisée exténuée détruite. Pas à un seul moment quelqu’un s’est enquis de savoir comment je me sentais, pas de proposition de consultation avec une psychologue… Rien le néant. La chef de service m’a annoncée qu’elle aurait pu me prendre au bloc pour un curetage mais que ça devrait allez comme ça on est venu m’enlever la perfusion. J’ai appris par un interne (encore un autre) que le médecin m’avait enlevé « quelque chose » sur le col de l’utérus… Voilà ! Je pouvais sortir….
Depuis ça, je ressasse les événements en boucle dans ma tête, je m’effondre en larme comme ça subitement, je déprime et n’ai goût à rien !