Jeudi 5 octobre 2017, BFMTV annonce la sortie du “Livre noir de la gynécologie”, de Mélanie Déchalotte (Edition First) . Tatiana, membre de notre groupe Stop à l’Impunité des Violences Obstétricales témoigne.
Son témoignage étant raccourci pour les besoins du reportage télévisé, nous vous proposons de le lire en entier à travers le courrier qu’elle compte envoyer à la clinique.
Je suis tombée enceinte de mon premier enfant le 3 novembre 2015. N’étant pas suivie en gynécologie, une personne de confiance m’a recommandé le docteur XX.
Elle a donc suivi ma grossesse avec bienveillance, respect et douceur. Cette dernière se déroulant sans problème, me sentant en confiance avec mon médecin, j’ai abordé l’accouchement avec une grande sérénité.
Le vendredi 5 aout 2016, deux jours après mon terme présumé, j’appelle la maternité. Une sage-femme me répond avec une grande froideur. Il est 9h, elle me dit d’aller passer une échographie.
10h. Je lui dis que je suis seule à la maison, et que j’ai du mal à conduire à ce stade de ma grossesse. Elle me répond que je n’ai pas le choix, et que je dois me présenter à la maternité une fois l’échographie effectuée.
Arrivée à la maternité, la sage-femme que j’ai eu au téléphone quelques heures auparavant me fait un prélèvement car j’ai perdu du liquide. Je sursaute lors de l’examen ; elle me dit « vous abusez ! Ça n’est qu’une petite chatouille ! » Je prends sur moi et me laisse faire malgré l’inconfort. Puis elle m’examine le col avec une grande brutalité. Je lui dis qu’elle me fait mal, elle appuie encore plus fort, l’examen est interminable. Je hurle de douleur et la supplie d’arrêter ; elle continue et m’ordonne de ne plus bouger. Je fonds en larmes, elle s’exclame alors : « Je n’avais pas le choix, vous avez dépassé le terme, ça n’est pas de ma faute à moi ! Vous aurez sûrement des saignements suite à mon examen ». Pourquoi ce touché vaginal a-t-il été si douloureux ? Un décollement de membranes sans mon accord ?
Elle me pose le monitoring et sort en me laissant pleurer.
Selon le code pénal, cet acte effectué alors que je lui ai explicitement demandé d’arrêter, est un viol.
(Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui, par violence, menace ou surprise est un viol. . Article 222.23 du Code pénal.)
Je rentre chez moi et dois revenir le lendemain. Le docteur XX viendra m’examiner. Je vous laisse imaginer l’état d’angoisse dans lequel j’ai pu être jusqu’au lendemain. En plus des douleurs et insomnies de fin de grossesse, s’est ajouté la peur pour la santé de mon bébé (hormis le fait que le dépassement de terme pouvait être dangereux pour mon enfant, on ne m’a rien expliqué), le traumatisme de cette consultation, l’appréhension de la suivante…
« C’est un col pourri ! Revenez lundi, votre gynécologue sera rentrée de vacances, elle vous déclenchera. »
Je reviens le lendemain matin, une sage-femme m’accueille, me pose le monitoring, et fait venir le Dr XX. Il entre dans la salle sans me saluer et m’examine immédiatement avec du savon, qui me brulera toute la journée (Pourquoi ne pas avoir utilisé un lubrifiant gynécologique ?) « C’est un col pourri ! Revenez lundi, votre gynécologue sera rentrée de vacances, elle vous déclenchera. » Sans même prendre le temps de m’expliquer ce qu’était un déclenchement il s’en va. Est-ce une manière de s’adresser à une patiente ?
Je rentre chez moi la peur au ventre, partagée entre l’angoisse d’un possible déclenchement et l’espoir que ma gynécologue soit là pour accompagner mon accouchement.
Finalement, mon travail a commencé spontanément le soir même. Je me rends à la maternité quelques heures plus tard et suis prise en charge par une sage-femme. Malgré des contractions fortes et espacées de cinq minutes depuis 4 heures, je ne suis qu’au début du travail ; on me monte en chambre. Une sage-femme me montre des positions susceptibles de me soulager lors des contractions et me dit de l’avertir lorsque je voudrai la péridurale. Je l’appelle au bout de quelques heures, elle m’examine, le travail avance très lentement, mais elle me fait descendre en salle d’accouchement car je peux avoir la péridurale. La sage-femme qui prend le relais me ré-examine quelques instants plus tard, et décide qu’il est en fait trop tôt. J’attends… Elle me pose un cathéter. Je demande ce qu’il va y avoir dans la perfusion, elle me répond “De l’eau”. Plus tard, j’apprendrai que c’est en fait du syntocinon que mon bébé aura du mal à supporter.
Lorsque l’on peut me poser la péridurale, l’anesthésiste entre dans la salle sans me saluer. Je lui pose des questions quant au déroulement de la pose et quant à la douleur. Il me répond : « ça ne fait pas mal ».
Il me pique sans me prévenir, je sursaute surprise par la piqure. Il me lance froidement : « Ah non hein ! il ne faut pas bouger ! » Il poursuit, je fais mon possible pour rester immobile malgré les contractions. L’aide-soignante qui a été d’un grand réconfort et d’une grande gentillesse le prévient lors des contractions mais il ne répond pas.
La péridurale posée, la sage-femme revient. Elle examine mon col et appuie fortement en formant un cercle avec son doigt. Un décollement de membranes sans me demander mon avis ? Une ouverture forcée du col ? Le drap est taché de sang quand elle s’en va.
Le travail est très lent et l’heure de la relève arrive, nous somme dimanche 7 aout 2016.
XX me prend en charge et j’apprends que le docteur XX sera présent lorsque j’accoucherai. Les précédents contacts avec ces personnes ayant été plutôt désagréables, je ne suis vraiment pas . l’aise avec la situation.
Le Dr XX entre dans la salle et me dit qu’il va examiner mon col. En réalité, il me percera la poche des eaux sans me prévenir par des manoeuvres très désagréables avec ses doigts.
(Article 36 (article R.4127-36 du code de la santé publique)Le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas. Lorsque le malade, en état d’exprimer sa volonté, refuse les investigations ou le traitement proposés, le médecin doit respecter ce refus après avoir informé le malade de ses conséquences. Si le malade est hors d’état d’exprimer sa volonté, le médecin ne peut intervenir sans que la personne de confiance, à défaut, la famille ou un de ses proches ait été prévenu et informé, sauf urgence ou impossibilité. Les obligations du médecin à l’égard du patient lorsque celui-ci est un mineur ou un majeur protégé sont définies à l’article R. 4127-42.)
A aucun moment il ne m’a demandé mon avis…
Mon conjoint a lui-même été choqué de la scène ! Une fois la poche des eaux rompue, il m’appuie sur le bas du ventre en me disant que ma vessie est pleine, et « qu’il faudrait vider tout ça ! » Il me place un bassin sans préserver mon intimité et me dit qu’une aide-soignante viendra me l’enlever. Sous l’effet de la péridurale je n’arrive pas à uriner. Je reste avec le bassin sous les fesses pendant dix longues minutes. La sage-femme revient et me sonde.
Elle reviendra m’examiner toutes les heures jusqu’à dilatation complète. Je suis contrainte de lui demander moi-même l’évolution car elle ne dit pas un mot. Les seules paroles qu’elle m’adressera sont les suivantes : « Bon, il faudrait que ça avance, Mr XX commence à s’impatienter ! »
Lorsque l’heure est enfin venue d’accoucher, mon conjoint demande à filmer l’arrivée de notre enfant, nous en avions parlé ensemble, et ce projet nous tenait à coeur. La sage-femme a refusé en accusant mon conjoint de préférer filmer plutôt que de m’aider. Elle a ajouté qu’un accouchement n’était “pas beau à voir” et que toutes façons, il ne valait mieux pas filmer. On renonce donc…
On me pose les pieds sur le cerceau. J’ai les jambes à la verticale et n’arrive pas à respirer dans cette position ; je demande à mettre mes pieds un peu plus bas. Le Dr XX me répond qu’il m’a installé dans la bonne position et que je ne dois pas bouger. Mon pied tombe du cerceau, il me le repose brutalement. Il écarte fortement, et à plusieurs reprises les parois de mon vagin, j’ai très mal. Je lui demande d’arrêter ; il continue. J’ai vraiment très mal. On me demande de pousser. Comme appris lors de la préparation, j’inspire et pousse en laissant passer un filet d’air entre mes dents. Le gynécologue me signale alors que je fais « n’importe quoi, que je ne pourrais jamais accoucher comme ça ! » qu’il faut bloquer la respiration quand je pousse. Epuisée, stressée, mal à l’aise, je m’exécute. La sage-femme appuie tellement fort sur mon ventre que je n’arrive plus à respirer.
(Recommandations de la HAS au sujet de l’expression abdominale : Il n’y a pas d’indications médicalement validées pour réaliser une expression abdominale. Le vécu traumatique des patientes et de leur entourage et l’existence de complications, rares mais graves, justifient l’abandon de cet usage. Dans les situations qui nécessitent d’écourter la 2e phase de l’accouchement, le recours, en fonction du contexte clinique, à une extraction instrumentale (forceps, ventouse obstétricale, spatules) ou à une césarienne est recommandé. Si une expression abdominale est pratiquée malgré les recommandations précédentes, elle doit être notée dans le dossier médical de la patiente par la personne en charge de l’accouchement, en précisant le contexte, les modalités de réalisation et les difficultés éventuellement rencontrées.)
« C’est amusant, dès qu’on menace (de spatules), ça va beaucoup plus vite ! »
Après trois poussées, il demande à l’aide-soignante d’aller chercher les spatules. Terrorisée, je pousse de toutes mes forces pour y échapper. (Avec les conséquences que cela peut avoir ! Hémorroïdes et déchirure.) Mon bébé sort, il ricane « C’est amusant, dès qu’on menace (de spatules), ça va beaucoup plus vite ! » ! Il coupe le cordon alors que le papa avait demandé à le faire et me jette mon bébé sur le ventre.
Pourquoi ne pas avoir respecté la volonté du papa ? Quelques secondes plus tard, quelqu’un (sage-femme ou gynécologue) m’appuie très fortement sur le ventre (je souffre encore du coccyx 12 mois plus tard) pour faire sortir le placenta. Je demande ce qu’il se passe, il me répond « Mais rien ! C’est le placenta ! » Aux cours de préparation à l’accouchement, la sage-femme nous avait pourtant bien expliqué que cette manoeuvre avait lieu uniquement si le placenta n’était pas expulsé dans les 30 minutes.
Il me recoud sans m’en avertir, ni m’informer du fait que j’avais été déchiré, puis s’en va (Déchirure ou épisiotomie, je ne sais toujours pas au vu des incohérences sur mon dossier médical)
La sage-femme prend mon fils (Ou ma fille ? Sur mon dossier médical elle notera “petite fille bien tonique” !) pour effectuer les soins. Sans m’en avertir, elle lui mettra un suppositoire de doliprane car il a un peu de fièvre. J’étais dans la pièce d’à côté, pourquoi ne pas m’en avertir ?
(Code de déontologie médicale, édition août 2016ARTICLE 42 (article R.4127-42 Du CSP) Sous réserve des dispositions de l’article L. 1111 – 5, un médecin appelé à donner des soins à un mineur ou à un majeur protégé doit s’efforcer de prévenir ses parents ou son représentant légal et d’obtenir leur consentement. En cas d’urgence, même si ceux-ci ne peuvent être joints, le médecin doit donner les soins nécessaires.)
Je suis alors prise de violents maux de tête et de tremblements. Lorsqu’elle revient, elle s’exclame : « Qu’est-ce qu’elle nous fait celle la ! Elle tremble maintenant ! » Je ne relève pas son ton moqueur et lui signale mon mal de tête. Elle prend ma tension, ma température et constate que j’ai de la fièvre. Elle me signale que je ne peux donc pas prendre mon fils pour l’allaiter et me donne du paracétamol.
Elle soupçonne une infection urinaire, elle m’écarte les jambes et me dit qu’elle va profiter du “reste” des effets de péridurale pour me sonder à nouveau et me faire un prélèvement. A ce stade, la péridurale est en grande partie dissipée ; j’ai très mal au ventre, et la déchirure me fait souffrir, je n’ai aucune envie que l’on me touche. Je refuse et lui propose d’aller aux toilettes et de lui ramener un échantillon d’urine. Elle rigole et me dit que je ne pourrais pas marcher. (Sans mettre en doute ses compétences médicales, je pense être assez adulte pour savoir ce que je peux faire ou non). Elle me dit que « je n’ai pas le choix, je sais ce que je fais, c’est moi qui décide ! » et commence à sortir la sonde.
(Article 36 (article R.4127-36 du code de la santé publique)Le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas. Lorsque le malade, en état d’exprimer sa volonté, refuse les investigations ou le traitement proposés, le médecin doit respecter ce refus après avoir informé le malade de ses conséquences. Si le malade est hors d’état d’exprimer sa volonté, le médecin ne peut intervenir sans que la personne de confiance, à défaut, la famille ou un de ses proches ait été prévenu et informé, sauf urgence ou impossibilité. Les obligations du médecin à l’égard du patient lorsque celui-ci est un mineur ou un majeur protégé sont définies à l’article R. 4127-42.)
Je refuse à nouveau, je commence réellement à être à bout de nerfs, je n’ai pas dormi depuis près de 35h et pas mangé depuis 24h, je viens d’accoucher, et voudrais juste être tranquille avec mon bébé et son papa. Elle me propose alors de me mettre le bassin et d’effectuer le prélèvement directement. J’accepte ; elle place le bassin sous mes fesses. Aucun drap ne préserve mon intimité, la porte de la salle est ouverte, des gens entrent et sortent. La position dans laquelle je me trouve me met très mal à l’aise et je n’arrive pas à uriner. Elle s’impatiente, me dit de me dépêcher : « Bon, je n’ai pas que ça à faire, je vais vous sonder !»
Je suis à bout de forces, je me laisse faire. Elle me fait mal, je le lui dis, elle n’y prête pas attention. Elle sort. De retour dans ma chambre, je ne peux me lever à cause d’une violente douleur à la jambe droite. Je le signale au personnel. Un anesthésiste passe me voir deux ou trois jours après mon accouchement. Il regarde ma jambe, j’ai une grosse plaque rouge, injectée de sang et très chaude sur le haut de la cuisse. Il m’explique que le fait d’avoir été positionné pendant plus de 10H sur le côté droit a fait saigner mon muscle. Il m’informe que j’aurai des difficultés pour marcher pendant trois semaines / un mois, et que si la douleur perdure je devrais passer un doppler. Douze mois après, j’ai toujours des douleurs. Aller voir un professionnel de santé m’angoisse tellement, que je n’arrive pas à aller consulter.
J’ai vécu la suite de mon séjour à la maternité comme un séjour en prison d’où je voulais sortir au plus vite.
– Quelques heures après mon accouchement, j’ai changé la couche de mon bébé ; lorsque dans la nuit une puéricultrice est venue, elle m’a reproché de l’avoir fait “Vous avez fait mon travail, c’était à moi de lui changer la couche ! Je vais vérifier !”
– Le personnel soignant m’apportait tous les soirs un traitement pour les hémorroïdes ; un soir, je signale grâce au téléphone de chambre qu’on a oublié de me le donner. Quelques minutes plus tard, j’entends la sage-femme crier à une de ses collègues dans le couloir ”J’apporte le traitement pour les hémorroïdes à la 114 !” La maternité n’étant pas grande, tout le monde a pu être au courant de l’état de mon intimité !
– J’ai également entendu des sages-femmes/puéricultrices se moquer de moi (et de mon étonnement par rapport à la montée de lait) juste devant la porte de ma chambre.
– J’ai reçu des conseils totalement opposés à propos de l’allaitement et pour soigner mes crevasses.
– Mon bébé ayant perdu 11% de son poids, tout le monde a bien insisté et m’a fait culpabiliser pour que je reste une journée de plus, alors que je voulais sortir au plus vite.
– Le jour de ma sortie, la sage-femme a fortement insisté pour me faire un touché vaginal alors que la douleur de ma déchirure (épisiotomie ?) m’empêchait presque de marcher et que je l’avais clairement refusé. (J’avais déjà signalé la veille que je ne voulais pas d’examen)
J’ai choisi d’accoucher de mon enfant dans votre clinique afin de bénéficier des bons soins d’une petite maternité ; plus de confort, plus de temps de la part du personnel, le coté rassurant et réconfortant d’une petite structure. J’ai également payé pour ces services. Vous pouvez imaginer ma déception, mon traumatisme…
J’ai accouché il y a 1 an, et je souffre toujours d’insomnies, je ne peux pas fermer les yeux sans revoir et ressentir ces gestes, sans entendre ces mots. Je ne passe pas une nuit sans me réveiller en sursaut à cause de cauchemars récurrents. Je ne peux parler d’accouchement sans sentir cette boule dans ma gorge, sans retenir mes larmes.
Cet événement traumatisant m’empêche de retrouver une vie professionnelle correcte, quant à ma vie de couple et ma vie sexuelle, c’est une catastrophe.
Je me sens humiliée, salie, et honteuse d’avoir subi ces agressions gratuites et inutiles. Ma grossesse et mon accouchement n’ont connu aucunes complications médicales, pourquoi m’avoir fait subir tout ça ? J’ai mis mon enfant au monde dans une froideur et une violence qui ne devrait pas exister.
J’ai eu l’impression d’avoir commis un crime, et qu’on me le faisait payer ! A aucun moment, je n’ai reçu de soutien, je n’ai eu le droit qu’à des remarques déplacées, des gestes médicaux brutaux et non consentis. Aucune de mes angoisses légitimes de femme sur le point d’accoucher n’a été prise en compte.
Je ne demandais pas à ce que l’on me prenne la main ou que l’on me masse le dos ! j’attendais juste un peu de respect et de considération.”